
No women’s land – Éditions Les Arènes – 235 pages – Parution : janvier 2016 – Couverture : ©Sars Deux – Photo couverture ©Isabelle Muňoz – Prix : 15 €
Dans nos pays, j’entends par-là occidentaux, chaque année on marque la journée du droit des femmes le 8 mars, ce qui par ailleurs ne participe pas réellement de sens puisque chaque jour devrait être dédié au droit de la femme comme à celui de l’homme, à savoir montrer un respect tant pour les unes que pour les uns. Mais il n’existe pas de société idéale, chacun en conviendra. Nonobstant, si nous plaçons le curseur via des campagnes médiatiques pour sensibiliser les populations quant aux violences faites aux femmes notamment c’est qu’elles ont leur utilité. (une femme dans le monde sur trois a été victime au moins une fois dans sa vie de violences).
Dans nos pays, j’entends par-là occidentaux, dès que la disparition d’un enfant est connue, on lance l’alerte enlèvement (mise en place en France en 2008) afin de pouvoir retrouver dans les heures suivantes un enfant, un adolescent… Ce qui n’empêche pas malheureusement parfois des drames qui peuvent relever du sordide.
Dans nos pays, j’entends par-là occidentaux, toute atteinte reconnue par des tribunaux compétents faite à une enfant, une adolescente, une femme, est sévèrement punie par la loi, à savoir le ou la criminel(le) sera jugé(e) et condamné(e) à purger une peine de prison et à payer des réparations à la victime.
J’en ai terminé avec mes multiples anaphores…
Dans d’autres pays, il n’en est rien. C’est en toute impunité que jeunes filles et femmes sont souillées, molestées, entraînées vers la prostitution sinon purement et simplement éliminées de la surface du globe. Au nom de quoi ? Au nom du sexe facile, de mentalités machistes, de trafics d’êtres humains, de trafics de drogue, de trafics d’organes. Au nom du mirage de l’eldorado américain, au nom du fric. Au nom de l’horreur !

Photo Camilla Panhard ©DR
Camilla Panhard, journaliste armée de courage a enquêté durant des années en Amérique latine, Honduras, Salvador, Guatemala, Mexique… pour justement s’approcher au plus près de ces populations féminines traquées, pour dénoncer toutes sortes de trafics et de violences faites aux plus jeunes filles, aux plus jeunes femmes, à celles qui tentent de s’enfuir vers les USA et qui souvent finissent anonymes dans des fosses creusées à la va-vite par des monstres bien peu scrupuleux qui agissent librement au nez et à la barbe d’une police le plus souvent corrompue. Ainsi donc une vie humaine ne vaut rien !
C’est le thème intéressant néanmoins glaçant que la journaliste retrace dans ce livre carnet de bord, No women’s land, publié aux Éditions des Arènes il y a quelques semaines.
Sans ambages, sans détours, dans un langage parfois cru, Camilla Panhard nous décrit le quotidien angoissant vécu par ces femmes ; elle leur laisse volontiers la parole pour exprimer leur détresse, leur colère, leur combat pour retrouver leurs filles, leurs sœurs, leurs amies, quand elles arrivent à s’exprimer au-delà de la peur qui les tétanise. Ne nous leurrons pas, il est rare que les disparues quittent leur geôliers, leurs maquereaux, pour retrouver une «vie normale».
C’est aussi une formidable enquête sur toutes celles qui s’enfuient de pays qui laissent les vacanciers adeptes de la Caraïbe, du golfe du Mexique, rêveurs d’une semaine au paradis, alors que pour les locaux, c’est tout simplement l’enfer. Ces courageuses décident donc de tenter leur chance en essayant de traverser le Rio Grande pour décrocher leur Graal : trouver leur place, leur toit, un emploi, des conditions de vie meilleures aux États-Unis. Souvent elles remettent leur existence entre les mains «accueillantes» de passeurs qui – une fois 7 à 10 000 dollars empochés -, les renverront d’où elles viennent s’ils ne les tuent pas. À quoi tiennent une respiration, un regard, un sourire… Un espoir ?
Plus que quelques paragraphes posés sur le papier, ce travail est un cri, qu’écris-je, un hurlement au monde pour que les pays riches combattent les pourris qui trahissent chaque heure, chaque jour, chaque nuit des victimes si faciles. C’est un défi lancé aux autorités vérolées de ces pays pour que les choses bougent avant de changer radicalement. Ces pratiques barbares sont en recul depuis plusieurs années au Chili, en Argentine, au Brésil même s’il faut savoir rester mesuré et prudent. Pourquoi pas dans les pays pré-cités ci-dessus ? Et que dire de la politique migratoire constatée très justement aux USA. C’était catastrophique sous Bush, le constat est identique sous l’administration Obama, pourtant sensible à la question des origines. Les États-Unis utilisent la population latino pour ses basses œuvres et la renvoie selon ses humeurs. Après tout ce ne sont que des sous-hommes ou sous-femmes comme on l’entend si facilement.
Le livre de Camilla Panhard est un acte militant. Nécessaire pour ouvrir un peu plus les yeux à ceux qui détournent trop aisément le regard sur la misère humaine. C’est aussi un acte de reconnaissance de l’être humain.
Et pendant ce temps, en Afrique, en Asie… La Terre tourne pareillement.
Christophe Maris, Journaliste – Écrivain – Expert en communication
©MARIS Conseil – mai 2016 – Tous droits réservés
Image de Une collection privée CM
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